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    Donner l’impression que l’on a quand on pénètre dans une pièce, que l’on voit tout et rien à la fois.

    P. Bonnard.

     

    Les pots verts sur la terrasse.1912. Pierre Bonnard.


    C'était une belle journée comme Paris en offre parfois à ses amoureux. Il y a longtemps. J'ai rencontré la peinture de Bonnard. Je ne savais rien, ni de lui ni de l'art véritablement. Je ne savais pas si on disait de l'artiste qu'il était grand ou pas, j'ignorais qui l'avait aimé, rejeté, encensé... J'entrais là en toute innocence, en toute pureté. C'était parfait. Lorsqu'on connaît, quelque chose se gagne mais beaucoup de perd. Sans à priori donc, de plein fouet, j'ai aimé cette peinture, de tout mon cœur.

    Café

    Café "Au Petit Poucet". Pierre Bonnard.1928. 

     

    Ensuite, comme tout le monde, j'ai appris. J'ai fais connaissance avec les dates, les événements, les circonstances, les écoles. Mais mon amour d'alors, sans doute parce qu'il m'avait capturée à l'aube, est resté intact. Et aujourd'hui, peu importe ce qu'on en pense ou en a pensé, il reste pour moi parmi les plus grands.

    Femme endormie, vers 1928. Pierre Bonnard

    Il avait fait son chemin tout seul, c'est-à-dire par lui-même. Dans le grand brassage des écoles et des révolutions artistiques, il maintenait le cap de sa sensibilité unique. Picasso trouvait à redire sur sa façon de continuer à peindre avec la nature. Certains adoraient, pleuraient devant ses toiles, d'autres restaient interdits, dubitatifs. Matisse le pensait plus grand que tous les autres. Personne ne parvenait à le classer.

     

     

    La Place Clichy. 1912. Pierre Bonnard.

     

    Il voulait traverser l'impressionnisme, comme "revenir de là-bas", avec sur sa palette les couleurs qui y manquaient encore : celles des émotions, celles de la vie intérieure. 

     

    Autoportrait. Pierre Bonnard. 1930. Gouache et crayon sur papier.

     

    Lui, dans sa maison de lumière, son atelier du sensible sous le soleil, devant son cher amandier en fleurs et des ombres qui s'illuminent de bleu et changent la couleur des murs et des jours, passe là comme un ange trouant l'ombre de sa lumière. Parti depuis longtemps, il nous semble qu'il est toujours là, Marthe à ses côtés, leur mystère, leur présence. Le peintre rare et sa muse, son autre, l'amour à fleur, effluves des parfums anciens fixés dans l'éternité. Une fleur du jardin dans un vase, un murmure, un geste suspendu...

     

    L’Amandier en Fleurs. Pierre Bonnard. 1947. 

     

     

    La beauté qui frappe à la rencontre de cette oeuvre est sans retour possible. On touche à la conscience des choses qui nous animent sans savoir les nommer, comme transi de stupeur, parce qu'il nous parle de nous, du plus profond de nous, et nous invite à une promenade dont on sait qu'on ne reviendra pas.

     

    Salle à manger à la campagne. Pierre Bonnard. 1913.

     

    Mais cette marche dans le jardin est baigné de lumière, et petit à petit nous nous éloignons capturés par la brume du jour, effacés peu à peu comme tout ce qui mérite d'avoir vécu et s'éteint avec élégance, laissant là, sur le sol foulé ou derrière la fenêtre ouverte, une présence parfaite...

     

    pierre bonnard 1925

     

    La fenêtre. Pierre Bonnard. 1925.

     

    Pour les chanceux qui passeront par Paris prochainement : Exposition Pierre Bonnard. Peindre l’Arcadie. Du 17 mars au 19 juillet 2015 au musée d’Orsay, Paris.

     

    Aller plus loin ensemble :


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        "C’est seulement quand nous n’avons plus peur que nous commençons à créer".
        William Turner
     
     
     
     
     
    Turner l'âme et la lumière
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     
     

     

     
     

     

     
     
     
     

     

     

     
     
     
     
     
     Joseph Mallord William Turner (1775-1851)
     
     
    A 17 ans, Turner part en voyage un cahier de croquis  à la main et sa boîte d’aquarelles.

    Un voyage qui va durer toute sa vie.

     

     

    Magic Turner

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La boîte d'aquarelles de Turner.

     

     

     

     

    Il est né en 1775 à Londres. C’est un homme rude, qui  parcourt le monde insatiablement, seul, pour étudier la nature et les maîtres anciens. En Italie, en France, en Allemagne, en Suisse... Partout il peint tout ce qu’il voit. Sa vie entière est dévouée à son art.

    Depuis l’âge de 14 ans, il est élève de la très célèbre Royal Academy, (il y expose chaque année) réalise très vite des commandes, connaît très jeune le succès et l'aisance, élu académicien à l’âge de 27 ans.  

     

     

     turner_bateau-hollandais-dans-la-tempete.1281721808.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     
     
     
     
     
     
     
     
    Turner - Bateau hollandais dans la tempête. 
     

     

    Drôle de personnage, à la fois rustre, peu communicatif, taciturne, solitaire, négligé, ne se consacrant qu’à la peinture, mais poète en plus d’être peintre. Ce génie des ardents soleils et des incendies est également un excellent professeur de perspective.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Turner. Ewenny Prieuré. 

     

    Dans cette aquarelle, Turner utilise la technique de la perspective et la lumière pour agrandir l'espace. 

    Turner et la Royal Watercolour Society de Londres donnent à l’aquarelle ses lettres de noblesse. Les aquarellistes y contribuent à sa reconnaissance en démontrant son utilité et ses qualités. Cette technique sera adoptée par des français : Cézanne, Delacroix, Rodin... 

     

    A Venise, Turner tombe amoureux de la lumière, et, peu à peu, celle-ci devient le sujet principal de son œuvre qui de figurative évolue vers une forme pré-impressionniste : le sujet est dissout dans la lumière et la couleur.

     

     

     

    Le "passage" (Tempête de neige en mer, 1842), se fait après un voyage en Italie en 1819.

    Turner est le premier peintre à considérer la couleur comme autonome. Cet immense artiste avait une vision poétique de la lumière plus importante à ses yeux que la réalité elle-même. 

    Bien longtemps avant Monet, (qui a vu les œuvres de Turner en 1870 à Londres), le peintre londonien radicalise son travail pour ne plus garder qu'une vision lumineuse et transfigurée de la réalité, comme si le sujet n’était plus que la lumière elle-même : ("L'incendie du Parlement" - 1835.). Il réinvente la peinture. 

     

     

     

    Turner -  L'incendie du Parlement" - 1835.

     

    Pour Signac, Pluie, vapeur et vitesse, le chemin de fer de la Great Western est à l’origine de l’impressionnisme. (Turner a représenté l’intérieur de la chaudière à partir de schémas explicatifs. La chaudière est donc vue par transparence.) Ce tableau connaît un grand succès à cause de l’illusion de la vitesse due à la perspective.

     

     

     

     

    Avec des couleurs toujours plus vibrantes, la presse le critique sur son usage excessif du "jaune". Ses aquarelles sont publiées dès 1826. Il est connu, apprécié, mais raillé. Sa modernité passe mal.

    Turner l'âme et la lumière

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Caricature d'époque de Turner. 

     

    A la fin de sa vie, il disparaît sous une fausse identité, au bord de la Tamise, rompant toute relation avec le monde, restant caché solitaire.

    Il lègue à l'Etat plus de 20 000 œuvres sur papier et de quoi construire un asile en faveur des artistes pauvres.

     

    Les œuvres de la fin de sa vie furent une source d'inspiration encore plus grande pour les artistes.

    Toute la modernité artistique est marquée par la création de Turner : paysagistes du dix-neuvième siècle, impressionnistes français, néo-impressionnistes et symbolistes, abstraits du vingtième siècle.

     

    Magic Turner

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Turner. Tempête. 1830.

     

    Sa technique picturale était très en avance même si Turner considérait ses peintures "abstraites" comme inachevées et ne les exposa pas, elles semblent étonnamment modernes. Turner est considéré comme le précurseur de l’art abstrait.

    Le peintre américain Mark Rothko exprime son admiration face à la "qualité intrinsèque" des couleurs de Turner, et compare les rotations dans les compositions de Turner avec les tourbillons dynamiques de Jackson Pollock. 

     

     

    William Turner. Loch Lomond, 1834. Aquarelle. 

     

    turner_lucerne-2.1306052021.jpg

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Turner - Le lac de Lucerne - Aquarelle.

     

     - 24.1 ko

     

    Turner - Coucher de soleil sur le lac de Lucerne - Aquarelle. 1845.

     

     

    Et pour finir, un gros coup de cœur : le film anglais : Mr Turner, de Mike Leigh avec Timothy Spall, (l'affreux dans Harry Potter), performance époustouflante. Une sensibilité extraordinaire sous une grosse peau d'ours mal léché. Un grand moment.

     

     

    Mr. Turner   

     

    Mr Turner

     

    Ici, un très bon article de Anne-Marie Baron.

     

     

    Nos belles aquarelles : paysages de neige

    Cette semaine à l'atelier : Eau libre

    L'article en page d'accueil : Belles aquarelles

     


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  • Quelques tableaux célèbres de peintres qui s'y sont essayés avec succès, depuis les traits d'humour du peintre Arcimboldo jusqu'aux tendres couleurs d'aujourd'hui de l'américaine Jean Chambers...

    Une petite leçon de nature...

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Chardin - légumes pour la soupe

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Chardin. Nature morte aux prunes. (Vers 1730.)

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Anne Vallayer-Coster. Panier de prunes. 1769.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Tommaso Salini. 1575-1625. Nature morte avec fruits, légumes et animaux.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

       Arcimboldo. 1526 - 1593. Le printemps.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Jean Chambers. Falling. (Contemporain).

     

    A l'atelier, nous savons peindre les choux nous aussi. Voir l'article : Un panier plein de poésie.

     

     

     


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  • Matisse nous a offert une leçon de liberté.

    Liberté permise par une parfaite technique du dessin.

     Avant 1900, l'apprentissage du dessin était incontournable. De sa maîtrise dépendait tout l'avenir d'un artiste-peintre.

    Cette exigence n'a jamais empêché la créativité. La liberté.

     

    Matisse est un peintre traditionnel par son talent de dessinateur, le travail qu'il fait à partir de ses esquisses et de ses études. Par ailleurs, le dessin est aussi chez lui un art à part entière.

    Ses premiers crayonnés sont académiques, comme cette étude de 1890 (graphite) mais dès le début du siècle, l'artiste a commencé son travail de libération. (Fusain. 1900).

     


     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Esquisses ou œuvres préparatoires, Matisse a dessiné toute sa vie.  

    Il a trouvé son trait personnel en libérant le geste.

    La liberté découverte dans le dessin est partout transmise dans ses toiles, leur composition.

     

    Le dessin sert parfois d'ébauche, et progresse alors avec l'œuvre, comme dans l'art académique.

    Même disparu sous la peinture, le trait d'esquisse reste toujours présent et toujours vivant.

    Ou bien il ne disparaît pas, et regarde l'œuvre en train de se faire.

     Matisse esquisse 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    1921. Jeune fille à la robe verte. Etude et tableau.

    Le travail de dessin de Matisse est rigoureux, ses lignes se composent comme s'écrit une symphonie avant d'être jouée.  Sa liberté est fondée sur la rigueur et la discipline. Sa maîtrise de la lumière est née de sa maîtrise du dessin. 

    Même dans les années de recherche, le dessin de Matisse quête sa liberté propre.

       

     

     

     

     

     

     

    1905. Luxe, calme et volupté. Etude et tableau.

     

    Matisse peint et dessine ce qu'il voit, mais surtout la façon dont il le voit.

    Ici, pour la toile, La Musique, (1910), Matisse n'a pas fait d'étude préparatoire. Ce sont les étapes de l'œuvre photographiée pas à pas qui sont ici.

    La dernière photographie représente une autre étude pour une œuvre de 1907, sur le même thème.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     La liberté entre 1907 et 1910 a grandi.

    Le style s'est affermi.

    En dépoussiérant l'académisme, Matisse entre en art et tout le monde derrière lui.

     

    A l'Atelier, nous faisons une bonne place au dessin. D'abord parce que dessiner procure une joie immense. Sa maîtrise nous libère des contraintes de départ, et tous les tâtonnements peuvent avoir de la grâce.

     

     

     

     

     

    Même maladroit, un dessin peut-être franchement beau.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Notre regard s'exerce à travers la pratique et l'étude du dessin. Lorsqu'on a observé un modèle longtemps pour le traduire, cette observation s'enrichit par l'exercice du crayon, et peu à peu, on en perçoit davantage, on voit mieux, on apprend à voir.

    Et quand on sait voir, on sait dessiner.

     
    Retrouver toutes les expérimentations de l'Atelier sur le site.


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  • Quinze jours devant la vénus au miroir.

    L'ébauche et le crayon.

    Ajoutons pour le bonheur des grâces cette magnifique peinture de Matisse qui nous offre, en passant, un joli reflet dans un beau miroir, sous l'oeil attentif du peintre encore jeune :

    Mon beau miroir


     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    A méditer.

     


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