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Par volubillis le 20 Septembre 2013 à 11:11
On dit qu'il ne faut jamais jeter un dessin sans avoir pris la peine de regarder pourquoi c'est si impératif.
Est-ce justifié ?
L'ai-je bien regardé ?
A méditer...
L'autre soir, un mercredi, après déjà plusieurs heures de travail sur le joli boudha d'or et de bronze, un vent de folie est passé et a menaçé de tout emporter.
A force d'observer les yeux piquent, n'y voient plus. On est resté collé au chevalet sans mettre de distance entre sa concentration et le résultat espéré...
Le beau Boudha est là, arrogant de délicates proportions, le beau bronze altier, un sourire presque moqueur, un regard narquois on en jurerait...
On l'aimait bien pourtant, au début. Il semblait si plein de sagesse, hiératique, respecté, et voilà qu'on lui affuble à présent toutes sortes de sobriquets, qu'on lui prête des intentions...
Le dessin, la peinture, parfois, ça énerve. Mais ce n'est pas sa faute. Il fait ce qu'il peut.
Après fort barbouillis de noir, découragement, rage contenue, il finit à la poubelle ! C'était à parier !
On a terminé comme ça, la lumière s'est éteinte. Albert, un frelon qui boit de la bière, a commencé sa longue nuit à côté d'une poubelle pleine de trésors perdus.
Pendant que tout ce beau monde s'endormait pour un repos bien mérité, le lutin facétieux qui traîne toujours par là et fourre son nez partout s'est faufilé sous la porte de l'atelier, à profité de la somptueuse nuit pour sortir le vieux dessin tout chiffonné de son ultime demeure (croyait-il) et l'a collé sur la faïence de l'évier, l'aspergeant d'eau, le lavant avec la patience de l'archéologue qui brosse un os avec un pinceau pendant des heures...
Puis il a filé.
Au matin surprise !
Quelque chose entre les fresques de Birmanie et les vestiges de Crête était apparu. Beau comme jamais dans son papier mâché, éternel sur la voie du milieu, débarrassé de sa quête affective et son besoin de notre reconnaissance, tout rentré à l'intérieur, effacé et d'autant plus présent, revenu d'entre les décombres de la volonté personnelle, simplifié, désarmant, désarmé, Boudha était plus inspirant que jamais.
2 commentaires -
Par volubillis le 24 Mai 2013 à 15:10
Comment ne pas s'émerveiller de ce que la nature produit sans efforts et sans fards, se moquant bien qu'il y ait devant ses oeuvres un spectateur ou pas ?
Mercredi soir, nous sommes sortis, parce que la lumière de fin de journée était exceptionnelle : le soleil illuminait les frondaisons des arbres, tout devenait or. Et ce vert si particulier des feuillages au printemps était comme incendié.
Comment fait-elle pour mêler de l'or et du vert sans que cela ne devienne immédiatement du marron ? Pour que la lumière reste lumière, le vert du vert, l'or de l'or ?
Le thème était la pluie, avec un personnage.
Nous sommes rentrés à l'Atelier les yeux plein de lumière et Isa a dit, dépitée : Quand on voit ça, c'est pas la peine ! (elle peignait des feuillages), la nature fait tellement mieux que nous !
Un petit lutin facétieux qui traîne toujours dans mes poches a levé le nez pour répondre :
"La Nature fait ce qu'elle a à faire mais n'y met aucun sentiment. C'est splendide mais neutre. Ce que tu vas peindre sera peut-être moins joli à tes yeux mais tu y mettras quelque chose que jamais la nature ne pourra y mettre : ce que tu es... Ce que tu ressens, ta vie intérieure, ton âme..."
Puis il est retourné farfouiller dans mes poches.
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